
Le blog de Graham
Quelques idées reçues sur les marges et la concurrence
Une des principales méprises affectant le cours d’Acadomia concerne la pression sur les marges. Le titre chutait depuis trois ans. Il fallait en donner une explication compréhensible. Il y eut d’abord l’idée du dégagement de fonds étrangers. La chute perdurait, il fallut trouver autre chose. Les propos de Ségolène Royal agitèrent un temps la communauté boursière. Remettre en question un dispositif qui a prouvé son efficacité (créateur de quantité d’emplois équivalents temps pleins, régularisation de marché noir, sécurisation sociale des travailleurs) est absurde économiquement et socialement. Je doute que Madame Royal, investie, contribuerait à rejeter dans la précarité quantité de travailleurs, pour l’essentiel jeunes, afin de satisfaire quelques dogmatiques. Ce discours, dès lors, n’a plus de place que dans le cadre d’un débat préélectoral. Reste l’idée de pression sur les marges. Depuis plusieurs années les bénéfices d’exploitation avaient cru sans anicroche, on vantait alors le modèle économique de la société. Quelques uns s’ingénièrent à interpréter la prévention concernant l’intensification de la concurrence indiquée dans le communiqué sur les résultats semestriels. La stabilité des résultats, la baisse de la marge, les confirmation de la direction sur le développement de la concurrence suffirent à convaincre le marché de l’inversement de tendance du secteur. Celui-ci, désormais, en raison de sa popularité, était soudainement devenu hyperconcurrentiel. Inéluctablement les marges devaient décliner et l’exploitation d’Acadomia serait en danger. La raison de la chute était trouvée. Qu’en est-il vraiment ? La baisse ponctuelle des marges suffit-elle à rendre compte au mieux de l’évolution du secteur ? Ces questions ne sont pas pleinement résolues. J’ai voulu en première approche décrire l’évolution de l’idée d’érosion importante des marges dans l’opinion des investisseurs. Celle-ci n’était pas spontanée. Elle s’est immiscée progressivement dans l’esprit de ceux-ci, d’abord comme hypothèse possible pour expliquer la baisse du titre, enfin comme certitude et évidence une fois les résultats tombés alors que les esprits y étaient prédisposés. Il ne s’agit pas de démentir l’existence d’une concurrence, ni d’en minimiser les effets, mais de la situer en parallèle avec la stratégie offensive de développement et de conquête prise par Acadomia. Cette mise en perspective permettra de corriger l’excès d’inquiétude et relativisera l’idée d’importance des effets de la concurrence sur la croissance et la rentabilité d’Acadomia.
Partons d’un premier constat : Acadomia est très rentable et jouit de marge confortable. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer les rentabilités d’exploitation sur chiffre d’affaire des dernières années :
-2000/2001 : 24,3%
-2001/2002 : 25,6%
-2002/2003 : 28,1%
-2003/2004 : 28,9%
-2004/2005 : 30,2%
-2005/2006 : 25,7%
Dans la durée, la marge d’exploitation est relativement constante et oscille à un niveau élevé entre 24% et 30%. Ce premier constat atténue l’idée d’incursion soudaine de la concurrence dans les affaires de la société. La marge d’exploitation demeure remarquablement élevée, signe de la santé d’Acadomia en son marché.
Détaillons maintenant charges et revenus d’Acadomia.
REVENUS D’EXPLOITATION :
Les revenus d’exploitation d’Acadomia se décomposent en deux catégories :
-les prestations de services, qui forment l’essentiel des revenus et le cœur d’activités d’Acadomia. Le chiffre d’affaire traduit l’activité des agences détenues en propres. Le taux de croissance organique du groupe traduit l’augmentation des ventes de prestation par les agences et le développement de affaires dans les agences nouvellement créeées. Sur la base du volume d’affaires, le taux de croissance est de 17% cette année, signalant la vigueur de la demande de services.
-les redevances des franchisés. Elles sont constituées par les droits d’entrée, les redevances d’enseignes, de publicité et de back office payées par les franchisés pour exploiter les marques. La société n’en supporte ni les coûts, ni les risques, qui sont reportés intégralement aux franchisés. Ces franchises, par contre, lui assurent un revenu garanti, pour l’essentiel proportionnel aux chiffres d’affaires des franchises. Ces revenus sûrs sont amenés à croître. D’une part en raison de la poursuite du développement du réseau (développement des franchisés actuels et création de nouvelles agences) qui profite de la notoriété croissante des marques –cercle vertueux : la notoriété des marques suscitant l’attrait de la franchise et la multiplication de celles-ci qui contribueront elles-mêmes à accroître la notoriété des marques-. D’autres part en raison de la proportion plus importante des redevances versées par les agences franchisées (droits d’entrées plus élevés, commission proportionnelle au chiffre d’affaires plus importante, renégociation des contrats de franchise afin d’en augmenter la proportion).
La part des revenus issus des franchises est amenée à croître de plus en plus les années prochaines. La notoriété croissante des marques favorise le développement de l’ensemble du réseau, gage de récurrence et de progression des revenus issus des redevances dans le temps. Les prestations de services, soutenues par une demande forte et le développement en propres de nouvelles agences, génèrent des revenus croissants d’année en année, ce que traduit le taux de croissance organique.
CHARGES D’EXPLOITATION
NB : Les détails du dernier exercice manquants, on se reportera aux quatre exercices précédents pour lesquels on possède des données chiffrées pour établir des compraisons. On estimera ensuite les évolutions probables des principaux postes dans les derniers résultats.
Les charges d’exploitation peuvent se décomposer en quatre postes principaux :
-les charges de personnels
-les impôts autres que l’impôt sur les sociétés
-les dotations aux amortissements et aux provisions
-les autres charges et charges externes (qui comportent notamment le budget de communication)
La charge d’impôts est faible (392k€ pour 2004/2005, 332k€ pour 2003/2004, 180k€ pour 2002/2003). Son montant pour le dernier exercice devrait avoisiner 400k€.
Les dotations aux amortissements et aux provisions progressent au rythme de l’accroissement des immobilisations de la société (1045k€ pour 2004/2005, 779k€ pour 2003/2004, 508k€ pour 2002/2003). Son montant pour le dernier exercice ne devrait pas excéder 1400k€. L’essentiel de ce montant sert à financer le renouvellement des immobilisations. Ce montant se déduit artificiellement du résultat d’exploitation pour le calcul de l’impôt sur les sociétés mais renforce l’excédent d’exploitation de la société.
Est observable d’emblée l’insignifiance de ces deux postes sur les marges.
Les charges de personnels constituent la charge principale de l’exploitation d’Acadomia. Depuis 2003, ce poste croit à un taux sensiblement supérieur à celui des prestations de services. Pour l’exercice 2004/2005, les charges de personnels s’élevaient à 10.387k€ pour un montant des prestations de 20.446k€, soit un taux d’environ 50,8%. J’estime les charges de personnels pour le dernier exercice à un montant d’environ 14m€ (+/- 0,3m€) pour un montant de prestation d’environ 22m€ (+/- 0,2m€), soit un taux de 63,6%, nettement en hausse. Il faut comprendre les raisons de cette augmentation. Depuis trois ans, la société poursuit une stratégie active de développement d’agences (exercice 2003/2004 : 10 ouvertures ; exercice 2004/2005 : 8 ouvertures et 4 rachats de franchisés ; exercice 2005/2006 : 18 ouvertures). Il faut environ deux années d’activités à chaque agence pour atteindre l’équilibre d’exploitation, trois à quatre années pour atteindre la rentabilité moyenne du reste du groupe. A l’ouverture, les charges de personnels sont élevées pour des recettes faibles. Il faut le temps de prospecter la clientèle et de développer les affaires pour qu’enfin l’agence nouvelle atteigne le seuil de rentabilité. Mais ce n’est point immédiat. Est plus compréhensible alors l’explication de la direction : « Ce plan de développement intensif continuera à peser sur les marges de l’entreprise mais permettra au groupe de maintenir de façon durable une croissance à deux chiffres de son activité ». Le développement de nouvelles agences a un coût, principalement en charges de personnels, dont les bénéfices sont différés à moyen terme.
Reste le poste « autres charges et charges externes ». Son montant pour l’exercice 2004/2005 s’élevait à 8,5m€, dont 4,6m€ pour le budget communication comprenant les investissements en images (2,3 m€). J’évalue ce poste pour l’exercice 2005/2006 à un montant d’environ 10m€ (+/- 0,2m€), dont 5,8 m€ pour le budget communication comprenant des investissements en images pour environ 3m€. Ce poste est variable en partie. Les investissements en images peuvent être réduits d’une année sur l’autre faisant accroître la marge. De même, le reste du budget de communication qui concerne les dépenses de prospection et les communications avec la clientèle. Il n’est pas souhaitable pourtant de rogner cette ligne. Les investissements en images sont nécessaires pour le renforcement de la notoriété des marques, condition des affaires futures et condition de l’attrait des franchises vendues. Les frais de prospections ne doivent pour la même raison point être trop compressés sans courir le risque de perdre une partie de la clientèle. Le taux de progression de ce poste est sensiblement inférieur dans le temps à celui de la croissance de la société. La proportion des dépenses publicitaires dans les marges baisse avec le développement de la société. La même publicité nationale se répercutant nécessairement de façon plus importante dans les revenus quand la couverture territoriale des agences se trouve plus étendue. On comprend dès lors que le développement du groupe et du réseau de franchisés, en abaissant proportionnellement l’impact du budget de la communication sur les résultats, contribuera dans l’avenir à soutenir sinon augmenter les marges.
EFFETS DE LA CONCURRENCE SUR LES PRIX
Nous venons d’appréhender la raison principale de la baisse de la marge sur le dernier exercice. Nous l’avons expliquée par l’augmentation des charges de personnels consécutives au fort développement des agences ces dernières années et plus particulièrement lors du dernier exercice. Il reste à vérifier dans quelle mesure la concurrence légale des autres acteurs du secteur contribue à faire abaisser la commission que verse la clientèle à Acadomia.
Le volume d’affaire représente le montant qu’est disposée à payer la clientèle pour les prestations délivrées. Le chiffre d’affaires représente ce qu’Acadomia perçoit sur le volume d’affaires traité. Il y a effet de la concurrence sur les prix dès lors que le chiffre d’affaires croit dans une moindre proportion que le volume d’affaires. Il convient donc d’analyser le rapport CA/VA. La baisse de celui-ci signifierait un effet de la concurrence sur les prix. Pour Acadomia :
-Rapport VA/CA 2005/2006 : 29,7%
-Rapport VA/CA 2004/2005 : 30,4%
Le rapport VA/CA baisse de 0,7% d’un exercice sur l’autre. Ce qui indique un impact limité de la concurrence sur les prix. Cet impact peut être évalué à 0,6m€ sur le résultat d’exploitation actuel (différence des rapports VA/CA 2005/2006 et 2004/2005 multiplié par le VA 2005/2006).
Cet impact de la concurrence est négligeable, la progression sur l’année des redevances provenant du réseau des franchisés étant nettement supérieure. Aussi faut-il relativiser grandement l’idée d’une pression accrue sur les marges résultant de la concurrence : le principal concurrent d’Acadomia demeurant le marché noir.
CONCLUSION
Si la pression sur les marges de la concurrence peut être encore pour lors écartée, le développement rapide de nouvelles enseignes, favorisée par les dispositions gouvernementales (plan Borloo, taux réduit de TVA, avoir fiscal et crédit d’impôts) rend nécessaire la rapide conquête des parts de marché. Cette conquête des parts de marché passe par l’intensification du développement du réseau d’agences en propres et franchisées et la continuité de forts investissements dans le capital marque. Cet opportunisme a un coût important tant en terme de charges de personnels qu’en terme de dépenses publicitaires. A terme, les agences nouvellement créées devenues rentables contribueront au rehaussement des marges. La conjonction d’un chiffre d’affaires croissant aux marges restaurées et d’un puissant réseau de franchisses garantira la croissance des bénéfices futurs.
Graham
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