Interview du trader Vinosoft

Interview de Vinosoft 01.06.2010

Depuis quelques semaines, les marchés sont chahutés, et le haut du classement de BM également: Boursematch a un nouveau leader: Vinosoft! Parti à la conquête du titre depuis maintenant 4 ans, Vinosoft a réussi à se hisser à la première place avec près d’un millier de trades. Autant dire que ce n’est pas le fruit du hasard. C’est donc l’occasion d’en apprendre un peu plus sur son approche du trading et sa vision de la bourse aujourd’hui

Peux tu te présenter aux autres membres (profession, âge) ?

Je vais avoir 40 ans en juin, l’age ou les gamelles en bourses ont déjà couté quelques gâteaux… Sinon expatrié mais bordelais d’origine j’ai une formation financière dite « classique«  MBA mais ma passion des voyages et des langues m’ont d’abord conduit a être courtier export en grands vins girondins, le vin qui est ma passion avec les marchés.
J’ai exercé en Angleterre d’abord dans les années 94-98 puis ensuite sur les pays de l’Est ou j’ai vécu longtemps et appris le russe avec une immense difficulté. La complexité de ce business export vers Russie et Ukraine en pleine bulle émergente m’a conduit a me ranger des bouteilles (a titre professionnel seulement car le reste suit encore bien) et peu a peu a reprendre le fil des marchés financiers étant passionné depuis toujours d’analyse économique. J’ai passé un diplôme de trading a Moscou en 2005 et j’ai collaboré a quelques publications et site internet en consultant sur les indices russes (rts et miccex)…
Aujourd’hui je me suis installé en Amérique du Nord depuis 2008 avec ma compagne, ceci après avoir quitté la zone slave avec un gros brin de nostalgie il est vrai. Je suis toujours consultant a ce jour.

Combien d’années de trading as tu derrière toi ? Ton style a-t-il évolué au fil des années ?

Environ sept-huit ans, après l’Angleterre et avant la Russie j’avais trouvé un poste de gestion marché dans le sud de la France, une zone ou il y a un grand-prix un poil connu et assez peu de soucis sociaux. C’était avec un gérant de fonds célèbre rouge et blanc. Le gadin fut complet total et absolu pour faire court avec une tactique de gestion loupée sur des valorisations délirantes et je n’ai pas brillé au sein de la structure OPCVM hors Europe, ce fut en pleine bulle techno mais j’ai beaucoup appris de cet échec cuisant. Je fut donc délicatement viré, bref ma meilleure expérience en fait.

Mon style a plus que changé, il a muté en une confiance très limitée dans les gérants, les discours marketing d’investissement fumeux et révolutionnaires, les stratégie de très long terme aux fabuleux succés pré-annoncés. Je travaille avec un indice personnel d’exposition au marché, qui est faible actuellement je l’avoue et ou la formule « Risque-bénéfice pour un laps de temps défini«  (selon le vix du moment) est ma seule contrainte avec un money management au couteau.

Quelle a été ta pire gamelle en bourse ?

La liste est longue mais je coupe en général assez vite mes pertes, conscient que le capital est le bien le plus précieux a préserver pour durer dans ce métier et que la célèbre stratégie du« buy and hold«  et les cycles de huit ans …etc …commence a faire long feu sous les coups de boutoirs des algorithmes, de l’industrie florissante de la web-spéculation et du flash trading automatisé.

A titre personnel je crois pourtant que strategeco solar est un peu a part comme histoire de raté:
Je travaillais sur les bulles « illiquides«  du marché libre et la psychologie des petits porteurs, le facteur du transfert de perception d’une personne a une autre qui prend tout son sens sur ce marché si particulier que je ne recommande a personne au passage. Bref je grattais le sujet a l’époque du pétrole flamboyant notamment et des NRJ renouvelables aux valorisations de dupes mais j’avais réussi a accumuler discrètement pas mal de lignes MLLAR début décembre 2007. La bulle est partie un jour, j’étais a Kiev ce même jour de rallye haussier avant fixing, en voyage et sans ordinateur et je me suis connecté en urgence dans un cyber café pour couper la position autour des 9€ virtuels dont je me délectais déjà si naïvement . Comme souvent en Ukraine, bourbier absolu, la connexion a planté, dans le brouhaha et le bazar et les canettes de coca et des « perochkis«  sur un joli clavier édenté.
Bref j’ai hésité a passer l’ordre de sortie dans ces conditions. Mon ordre aurait fait coter le titre vers 9,50€ ce jour et je ne l’ai pas passé. Une fenêtre dite de « home run«  envolée pour de bon, il faut sauter au travers car elle sont tellement rares. J’en ai loupé d’autres mais réussi quelques une avec l’expérience.
Les resa baisse sur le titre se sont ensuite enchainé des le lendemain, pour des jours et des jours je n’ai jamais pu prendre mon gain. Ce jour m’a appris a ne pas trop rêver sur la viabilité de mes trades et des miracles que je pouvais « seul«  reconnaitre avant les autres (rire) bref ce fut une fort bonne leçon.
Sinon pas mal de pertes douloureuses en turbos a mes débuts comme beaucoup…bien sur jamais de warrants dont je ne comprend presque plus désormais la légitimité de dupes et le record du monde des hausses loupées pour quelques jours d’impatience, comme soitec il y a un an ou archos, guillemot, netbooster plus récemment.
Un style personnel perfectible en diable donc je le sais, mais je préfère regretter cependant un non-gain que de recevoir un appel de mon banquier dont la seule évocation me gâche la soirée.

Comment fais tu tes analyses, es tu plutôt analyse fondamentale ou technique ?

L’expérience et les gamelles font souvent se rejoindre les deux notions parfois après c’est une question de pure sensibilité, mais ca se recoupe souvent avec le temps… pour finir par en isoler souvent au final plus qu’un seule dans laquelle on a construit ses repères personnels qui sont les plus importants. Je suis plus technique que A.Teiste néanmoins.
On commence avec le fondamental a la recherche de la firme dite géniale qui promet de tout casser vite ou celle que qui est giga-décotée que personne d’autre n’a vu (sourire) et progressivement on se replie sur la technique pour analyser les mouvements que l’ont pensait impossible et qui nous ont sournoisement coulé nos si doux rêves de Maserati cabriolet. Ceci pour peu a peu plus modestement se refaire le cuir et tenter de prédire les évolutions de façon plus construite.

Comme presque tous je crois, je fais des formules personnelles plus ou moins basées sur les conjonctions MACD, bollinger, RSI, Sto mais peu a peu j’ai couplé cela avec les indices accumulation et surtout en 2009 avec le ré alignement des carnet d’ordres et le mouvement des lignes qui est tres souvent révélateur sur les mid-small. La je me suis fait un indice de mouvement de rotations et d’écart de spread. J’aime aussi les sociétés de niches, les actif nets sous le cours, les managements stables, familiaux parfois…
Ceci dit il est assez clair que l’approche 100% grapho-technique par logiciel a damé le pions des investisseurs de souche et des fondamentalistes pur jus qui sont les grands perdants de l’époque moderne boursière, époque spéculative, médiatico-manipulée, auto-orientée a dessein sur des cycles de plus en plus courts par des établissements de plus en plus puissants.
Le taux de détention des actions a été divisé par plus de neuf ces vingt dernières années…Un point essentiel pour moi quant a l’état des lieux. Ça tend a s’accélérer encore.
Internet a aussi tout changé sur le sujet et a redistribué les cartes plus vite que la mentalité des opérateurs de masse ne l’a encore capté et il n’y ici pas forcement de raisons de se réjouir de cette situation.

Ton portefeuille a commencé à exploser en mars – avril 2009, que t’est il arrivé ce jour là ? Est ce du à l’évolution du marché ou as tu trouvé ton style ?

Un pic de déprime absolu sur les indices et dans les médias, un armaggedon en vue, des gourous par dizaines, des valeurs massacrées, des valorisation incroyablement basses… Ok mais Je ne voyais pas les gens totalement a la rue encore, il y avait du monde dans les magasins, des gens en vacances partout, les e-gadgets a la mode s’arrachaient alors j’ai acheté fin février 2009 a tour de bras surtout les petites boites victimes de la faible liquidité qui représentaient un levier important sur ces hauteurs si basses de mars 2009. La chance fut avec moi. En fait j’ai fait l’inverse de mi-2007 ou les chiffres euphoriques étaient partout et ou j’avais décidé de ne pas m’exposer et de quitter le marché effrayé par la bulle crédit que je voyais un peu partout lors de mes voyages.
Le fait de voyager et de parler des langues en pratiquant des milieux divers permet aussi de relativiser les sons de cloches, de diluer les idées préconçues, de se dire tiens ces gens la on un point de vue que tu ne soupconnais pas, une bonne chose est de réaliser par moment que tu ne sais pas grand chose au fond, juste en changeant de contexte socio-culturel.

Quel pour toi le plus difficile en bourse ?

Le timing…qui reste la clef, et l’exposition parcimonieuse du capital. Le but en bourse comme dans le show business pour faire une bien vilaine image est de durer et de valider des gains sur le long terme. Réussir quelques trades est toujours faisable, a condition de ne pas tout reperdre rapidement, construire des gains étant plus compliqué que les voir s’envoler en quelques séances ou juste sur une mauvaise impulsion. Les anglais disent une chose rigolote et vraie sur les marchés sur-vitaminés over-bullish: « par grand vent même les dindes arrivent a voler«  et la période nous a prouvé l’excellence de cet adage. Ça se vérifie en outre presque toujours avec les fonds qui doublent fort rarement sur deux ans des performances extraordinaires superbement vendues aux clients par ailleurs.
Les marchés sont néanmoins hautement manipulés et dans les deux sens, plus que jamais par des opérateurs plus concentrés et plus puissant que jamais. Indices et cours orientés a la hausse ou a la baisse par les même gros opérateurs, et une règle de base reste de ne pas trop suivre le consensus établi qui a rarement raison. Une autre chose délicate aussi est de savoir sortir, de se faire violence a préférer un manque a gagner plutôt que de capitaliser un grosse séquence de pertes pour avoir trop espéré.

Tu es parmi les seuls au sein du haut du classement à être positif depuis janvier 2010. Comment expliques tu cela ? Le marché est il plus difficile depuis 2010 et comment as tu réussi à t’en sortir ?

Ma question favorite Thomas ! Rire
A partir de la correction de janvier j’ai commencé a enchainer les trades loupés sur les smalls notamment que j’affectionne pourtant particulièrement… J’ai pataugé un mois et demi avant de me dire: bon ou tu as perdu ton modeste talent (ce qui restait alors bien possible et le reste tout autant aujourd’hui) alors tu perds la main mon gars ! ou alors la marché vient de changer ? hum hum regardons de plus près …Et surprise sur certains titres les lignes de profondeur des carnets commençaient a s’effriter étrangement ce qui suggérait la fin de la fête bullish qui correspondait avec un marché de recommandations gérants 100% comme jamais je ne l’avais vu ce qui est souvent le signe d’un marché qui s’oriente pour les petits donc structurellement moins rémunérateur. J’ai commencé doucement alors a anticiper une baisse et un retracement de la séquence de hausse qui fut d’ailleurs assez superbe pour évoquer un doute chez certains opérateurs; en outre la bulle euro prenait elle aussi du plomb dans l’aile et annonçait un possible retournement.

Quel es ton sentiment sur l’évolution de l’indice pour les mois qui viennent ?

ZE BIG Question !
Vite ma boule de cristal, mes entrailles de poulet et surtout le numéro de téléphone de Marc Touati… Bien, laissez moi deux secondes je vais vous répondre a moins que Nouriel Roubini soit dispo 5 minutes pour une consultation …
Blague a part.
Sincèrement j’ai le sentiment que nous vivons un moment majeur depuis disons le début 2007. Une redistribution des cartes géo-économiques et un tombée des masques financiers. L’industrie spéculative vit des mouvements forts et des contre-pieds et elle ne s’est jamais aussi bien porté ce qui devrait perdurer un moment loin des fondamentaux macro et micro-éco. Attention donc a ne pas trop s’exposer. La manne aussi que constitue le consulting financier, les sites internet, les si fabuleux forums etc nous ouvrent aussi les portes des excès les plus délirants donc il faut rester mesuré et ne pas faire tapis a court terme sur des ressentis réels mais parfois trompeurs et souvent désaccordés a court termes avec les mouvements de marché qui ont des cycles propres.
La crise nous a appris quoi au fond ?
A n’être certain de rien sauf de l’évidence: la défaite des politiques incapables de gérer a long terme des budgets et de prendre des décision impopulaires car soumis a la démagogie reine d’une part et la faiblesse de leurs atouts face a la concentration financière internationale d’autre part. Une puissance de feu considérable que l’on pourrait comparer a un arsenal guerrier désormais et préfigure une nouvelle ere de rapports stratégiques entre états. Le bien public ne constitue qu’une illusion dans cette période couplant matérialisme et égocentrisme qui fixe le court-termisme et la spéculation comme leit-motiv absolu et qui transfère dette privée sur la charge publique sans aucun garde-fou.
Le petit porteur individuel a en outre peu de chance de ne pas perdre et ses illusions et ses économies dans ce théâtre permanent.
Sur le plan fondamental les choses vont mal comme tout le monde le sait sauf le marché parfois, amusant et symptomatique du moment névrotique qui pousse la recherche du dernier sou au dernier degré et cela sans la moindre vergogne.
Bref le système transpire les excès et a besoin de se purger sérieusement. On a des raisons de croire que les vieux pays vont devoir affronter un destin bien sombre tant que le combat contre la dette délirante qui roule a plein ne sera l’objectif absolu, total et surtout unique de tous les dirigeants majeurs.
En outre la carte de la croissance économique et du bien-vivre social a beaucoup évolué depuis 10 ans, comme jamais elle n’a changé dans l’histoire moderne…

Les marchés ne feront ensuite que suivre le mouvement mais de façon je crois fracturée, donc méfiance même si la volatilité offrent de fort belles perspectives parfois…Je reste bien entendu le doigt sur le bouton mais savoir ne pas toujours acheter et une immense qualité pour un trader, c’est comme savoir faire une overdose de « badoit«  pour un sommelier. Certes ca apparait douloureux mais c’est totalement indispensable pour viabiliser son capital et reposer ses nerfs.
Je crois sinon que la violence du rebond récent valide une séquence baissière de long terme, progressive et heurtée parsemée de rebonds brutaux et de bulles court terme dont nous commençons a avoir la petite habitude.

Quels sont tes lectures préférées en matière de bourse?

Sur la plage avec un verre de rosé le sémillant Marc Fiorentino, celui qui ne meurt jamais mais pour tout l’or du monde je ne manquerai la lecture du dernier Peter Schiff sur les investissements en temps de crise. Le trublion des plateau télé us, le Paul Jorion yankee… Sinon Il y a aussi les leçons de Jim Rogers ou plus prosaïquement encore le bouquin de Stéphane le Page mais d’autres ici sont bien plus lettrés et de meilleur calibre sur le sujet que moi. Je mentirai a dire que je suis un puriste en la matière loin s’en faut. Je prend les écrits boursiers avec beaucoup de hauteur et un léger sourire même si dans les détails de certains chapitres se nichent de petits indices porteurs. Il y a aussi moult sites web pros a suivre dans pas mal de langues diverses et variées a commencer par celle de chez moi ici en Amérique.
George Bernard Shaw disait: « qui ne peut pas faire, enseigne… « 
Ça reste ma phrase de chevet et sur ce sujet boursier en tout particulier.

Pourquoi est tu sur Boursematch ? Laboratoire ou compétition ?

Pour mettre en pratique une cuisine personnelle, des essais, des tactiques plus ou moins bonnes que le réel ne pourrait permettre et puis ensuite on se prend au jeu et on essaye de bien figurer.
On noue aussi quelques liens avec certains, on échange ce qui est souvent constructif et érode le trop-plein de certitudes. De nombreux candidats ici sont a suivre de par leurs interventions et-ou leurs idées de trades et aiguisent des réflexions et des apprentissages techniques utiles pour les plus béotiens aux plus aguerris. Amusant parfois de recevoir des courriels de véritable pros qui suivent le site et aussi des demandes de débutants qui cherchent des repères pour se lancer.
Surement une des clefs de ton concept Thomas.
Sympa tout ca non ? bon et puis un aspect ludique qui permet d’apprendre en s’amusant selon la formule consacrée de mon enfance.
Ceci dit il faut relativiser et prendre cela avec modestie même si le chiffre (1) flatte toujours un brin l’égo des faibles que nous sommes tous, surtout dans ce milieu 100% schizoïde-mytho il faut aussi le reconnaitre.

La communauté globale est donc diverse ici, des pros, des semi-pros comme moi, des expérimentés, des petits porteurs, des débutants ce qui parfois donne une photo viable du marché en temps réel et nombreux sont les éléments que l’on affine progressivement en jouant sur les antagonismes et les paradoxes des diverses perceptions exposées tous les jours.
BM permet mettre en lumière que de nombreuses tactiques sont valables et que les vérités absolues ne font pas partie du jeu… Exemple: en juin 2010 actuellement on note dans les hauteurs du classement des gens qui ont de beaux résultats très proches avec des tactiques totalement opposées, ça donne un bon indicateur du moment étrange que nous vivons et de l’effet du temps lissant ou cassant sur un portefeuille. Comme quoi la notion de valeur intrinsèque d’un titre est bien variable et ne répond qu’a la règle du transfert de perception des individus mais seulement au moment opportun qui cristallise le désir du marché via la gonflette des gérants. Tout le sujet est la pour résumer en deux mots ce film a suspens made in wall street…

Bref tout ceci nous dicte la nécessité de se coller le mot « humilité«  avec gros post-it sur le socle de son ordinateur, ceci avant de se lancer la fleur au clavier dans le lac aux requins…

Merci Vinosoft !

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